a.

Tous deux ils vécurent ainsi dans le tête-à-tête de séances journalières pendant une semaine. Ce qu'ils dirent? David va nous l'apprendre.

»Goethe,« écrit-il, »aime jusqu'à la passion lord Byron. Un jour il est sorti de son calme impassible devant un compatriote du poète anglais qui s'était permi de blasphémer la mémoire du chantre de ›Childe Harold‹.

Chateaubriand, d'après lui, n'est que le continuateur de Bernardin de Saint-Pierre. Goethe estime beaucoup Guizot. Il m'a dit être heureux de recevoir directement chacun de ses cours dans la semaine qui suit leur lecture, parcequ'ils n'ont pas encore été déflorés par la critique.

›Je m'applaudis d'avoir écrit mes ›Mémoires‹, me dit-il un jour avec une nuance d'ironie, puisqu'ils ont été de quelque secours à M. Beyle qui a daigné s'emparer de plusieurs traits que j'avais racontés et qu'il a reproduits comme s'ils étaient son oeuvre.‹

Napoléon avait reproché à Goethe d'avoir traduit ›Mahomet‹, ainsi que plusieurs autres pièces de Voltaire. Le poète répondit, qu'il avait été bien aise de donner aux Allemands quelque idée de la tragédie française au dixhuitième siècle. – »J'espérais [124] de la sorte,« ajouta-t-il, »amener mes compatriotes à de certaines choses que je voulais faire.« En ce moment sa fille entra dans notre atelier, et je n'ai pu en savoir davantage.

Quand la conversation tomba sur lady Morgan: »Ah! l'espion!« s'ecria Goethe, »le corsaire! le journaliste de salon!«

Comme-nous parlions de la lutte maladroite de Lemercier contre les Romantiques, Goethe témoigna sa surprise de ce que Lemercier agît ainsi. »Lui qui dans ses premiers ouvrages avait donné l'impulsion, pourquoi n'a-t-il pas fait un bon travail au lieu de ce mauvais petit drame ›La mort d'Abel‹ qui vient de paraître?« – Goethe me dit encore à propos des Romantiques: »Ils ne travaillent pas. Moi, j'ai brûlé bien des essais, et je ne voulais pas livrer mon ›Werther‹ au public; c'est un de mes amis qui me dit: Il faut imprimer cela!« – Aux causeries littéraires succédaient les reflexions sans lien. Goethe estime que le séjour de Paris peut nuire à l'originalité parce qu'on y est influencé par le milieu. C'est une opinion que j'ai depuis bien longtemps.

Goethe approuve mon idée, qu'il est bien difficile de juger les hommes autrement que sur l'apparence, car ils ont bien soin de se tenir en garde sur leurs penchants intimes. »Tous les hommes aiment à entendre prononcer leur nom,« lui disais-je un jour, [125] »et ce fut un grand moyen de plaire chez l'Empereur que cette faculté qui lui était familière de retenir le nom de chaque personne qu'il avait rencontrée.« »Hum!« replica Goethe, »il en faut rabattre; Napoléon avait des souffleurs chargés de lui nommer à propos ceux qui se présentaient.«...

Je dis un jour à Goethe que l'auteur du Laocoon était bien heureux d'avoir fixé sa pensée sur une aussi sublime tragédie. »Certes,« répondit Goethe, »car dans ce groupe la cause et l'effet sont admirablement indiqués.« – Goethe approuvait beaucoup l'idée que j'ai de faire Prométhée délivré, le vautour mort à ses pieds, et lui, l'oeil au ciel, portant sur ses traits l'expression du mepris, temperée par une nuance de douleur, dernier vestige de ses souffrances passées. – Il me parla souvent d'une Eurydice; il estimait qu'un pareil sujet convient particulièrement à la sculpture, parce que, disait il, la cause et l'effet, ainsi que dans le Laocoon, y seraient facilement saisis. – Goethe pensait que les Métamorphoses d'Ovid furent inspirées à ce poète par les peintures apportées de Grèce et placées à Rome sous les portiques.

»Pourquoi ne faites-vous pas graver vos ouvrages?« me dit il un jour; »l'Europe les connaitrait.« Je lui repondis que j'avais toujours l'espoir de mieux faire ....

Pendant que je modelais son buste, Goethe avait[126] fait placer à coté de moi, sur une table, le crâne de Raphaêl, entouré d'une couronne de laurier. Goethe aime beaucoup les couronnes; il me faisait observer comme le crâne de Raphaël est uni, comme les bosses en sont peu sensibles. Goethe a fait mouler aussi le crâne de Schiller .....

Goethe aimait à me surprendre aux heures, où je l'attendais le moins. Je voyais tout à coup cette figure colossale s'approcher sans le plus léger bruit, car il semble glisser; ses pieds posent à peine sur le sol. Il me disait: ›Eh bien! vous travaillez toujours votre vieil ami?‹ Il ne fait jamais de geste; sa physionomie annonce seule avec expression ce qui se passe dans son âme. Sa lèvre inférieure, qui avance légèrement, prend un caractère singulier que vient compléter un certain clignotement des yeux lorsqu'on parle devant lui d'un homme qui s'est trompé en quelque chose. Goethe paraît avoir le sentiment de sa supériorité. Il a l'air de quelqu'un qui a tout prévu, et, le dirai-je, il semble bien aise de l'échec d'autrui ..... Lorsqu'il éprouve une émotion vive, il se retire dans son cabinet ou va voir ses antiques. Cela le refraîchi, dit-il, et il reparaît le visage calme. – Je l'ai vu quelquefois sous le coup d'une idée soudaine qui semblait l'agiter; il passait plusieurs fois la main sur son front, alors tous les sourcils disparaissaient.

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TextGrid Repository (2012). Goethe: Gespräche. 1829. 1829, 20. August bis Anfang September.: Mit Jean Pierre David. a.. Digitale Bibliothek. TextGrid. https://hdl.handle.net/11858/00-1734-0000-0006-A1C0-D